A priori je n'ai plus à surveiller miss à-la-vie-trop-chiante. Je vous jure, je n'ai pas l'âme d'un détective et quand je repense à ce que j'ai fait, je me dis qu'ils doivent vraiment se faire chier. Comme les flics en planque. Mais au moins, y 'a eu du bon. Parce que miss je-suis-trop-sage a une amie, une seule d'ailleurs - chelou, non ? - hyper canon. Je ne lui ai pas vraiment parlé, juste des salut en se croisant dans la rue. Je devais quand même être un minimum discret. Et en même temps je devais faire partie du décor, comme si c'était normal de me voir pour ne pas donner l'impression de les suivre. J'ai appris ça dans Elementary, ouais la série ! Quoi ? On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a. Enfin bref ! Maintenant que Rob est sorti de prison on pourrait se dire que je n'ai plus à traîner dans ce bled mais il y a la jolie vendeuse. Crystal qu'elle s'appelle. D'ordinaire, j'aurais rigolé. Les filles que je fréquente et qui portent ce genre de prénoms, d'abord ce n'est pas leur vrai prénom et ce sont des putes, quoi. Mais elle, je sais pas, ça lui va bien. Elle a l'air un peu perchée et gentille, ça me change des Bristoliennes et cie. Alors, j'ai décidé de pousser la rencontre. Pas que je cherche une meuf avec qui me poser, mais quand j'en vois une qui me plait c'est plus fort que moi, il me la faut. Dans mon lit surtout.

Jeans bleus foncés, converses, chemise kaki, pas rasé, mode beau gosse sans en avoir l'air, je pousse la porte de sa boutique pour la première fois. Direct, une musique douce m'enveloppe et une odeur d'encens. Rien d'agressif, c'est même agréable. Je me sens comme dans du coton, c'est trop bizarre. Le petit machin dont je connais pas le nom mais qui pend au dessus de la porte a fait du bruit comme des petites cymbales, lui indiquant mon arrivée. Je la vois revenir de la réserve avec un gros carton et me dire qu'elle est à moins dans une minute. Je n'attends pas, je vais l'aider parce qu'elle a l'air d'avoir du mal. Je lui prends le carton qui est un peu lourd.

« Laissez-moi vous aider. Je le pose où ? »

Je me tourne vers elle avec un de mes beaux sourires. Putain, elle est vraiment jolie avec ses grands yeux de biche...

La journée commence bien. Le ciel est bleu, les oiseaux chantent et j'ai reçu une livraison de grimoire que j'attendais depuis un moment. Fait par un artisant du coin, ils sont uniques et ont beaucoup de succès auprès de ma clientèle.


Alors que je repasse de l'autre côté, un homme me propose de m'aider. Sans que j'ai vraiment eu le temps de réaliser, il avait le carton dans les bras et me demandait où les poser. Je ne suis pas surprise que ça, les gens ici sont adorables. Qu ils soient résidents ou de passages, l'atmosphère particulière de la ville rend les gens aimables et heureux.

Je lui indique un petit coin et le remercie pour son aide.

Merci beaucoup, vous m'éviter un tour de reins. Je peux vous offrir une tisane pour vous remercier ?

Sans vraiment attendre sa réponse, je l'observer des pieds à la tête, puis commence à sortir mes bocaux remplis de différentes plantes pour faire ma mixture.

Les gens du coin savent que je touche toujours dans le mile avec mes fleurs et je sens que lui a besoin d'un petit mélange pour être plus zen.

Une fois prête je lui tend la tasse de tisane avec un grand sourire. Une douce odeur de mélange de rose, de valériane avec un soupçon de lavande titille mes narines.

Tenez, buvez

Je l'observe pour voir sa réaction lorsqu'il goûte ma potion magique

Hop, je pose le carton où elle le souhaite. Elle me remercie et me propose à boire. Perso, je suis plutôt branché bière ou tequila mais j'imagine qu'elle ne fait pas ça. Dommage. Alors j'attends un peu en observant la boutique pendant qu'elle prépare sa tisane. Elle me la tend et là j'avoue c'est plus mon sourire hypocrite que je sors mais qui passe toujours.

« Merci. »

Vu qu'elle attend, je goûte. Je ne sais pas pourquoi elle me regarde comme ça, elle a peur que je recrache ? C'est pas mauvais. Bon, ça rappelle un peu les boissons de vieilles mais ça passe tout seul. Je ne dis pas que je vais m'y mettre mais de temps en temps, pourquoi pas.

« C'est très bon.»

Le mug dans une main, je lui tends celle qui est libre.

« Sam. »

Elle me la sert. Sa main est douce. Crystal. Je le sais déjà mais je fais genre.

« Enchanté Crystal. Alors tu vends aussi des tisanes ? C'est joli ta boutique. »

On va pas se vouvoyer comme des vieux et elle est plus jeune que moi alors... si ça la dérange ça risque de me déranger aussi.

Je suis super contente, il aime ma tisane. En même temps faudrait ne pas avoir de goût que de ne pas aimer. Je procure la saveur de la nature et de la vie. Qu'il y a t-il de mieux que ça ?

Il se présente, Sam... je fais de même. Je le regarde vraiment pour la première fois. Il a un regard magnifique, d'un bleu profond et intense.


Je ne fais pas que vendre des tisanes, Monsieur, je fais pousser les plantes, les aides à grandir et s'épanouir, puis les sélectionne avec amour pour le plaisirs de mes clients.

J'éclate de rire, il fait une tête mignonne.

Alors Sam le touriste, tu cherchais quelque chose en particulier ? Tu ne m'a pas l'air d'être vraiment dans ton élément dans ma boutique. Tu débutes ou tu es juste curieux ?

Je le regarde souriante. Sa compagnie est agréable.

Une hyppie ! Je souris, jamais je m'en suis fait ! La plupart des meufs que je me tape se prennent au sérieux mais dans un tout autre genre. Elle a une façon de présenter les choses, c'est mignon. On échange nos prénoms et elle me grille évidemment. Je dois avoir l'air perdu.

« Je débute ? »

De quoi elle parle ? D'herbe ? Parce que ça je m'y connais un peu. Je me marre intérieurement.

« En fait, je cherche un cadeau.»

Pourquoi j'ai dit ça ? Parce que ça fait moins psychopathe que dire j'ai suivi ta copine et je te trouve bonne, on sort ensemble un soir ?

Un cadeau. Je me demande pour qui. Je suis curieuse, c'est comme ça. J'aime bien connaître mes clients. C'est plus facile pour les conseiller. Bon je dois avouer que lui m’intéresse particulièrement, c'est comme ça, avec certains ça passe plus que d'autres, certains ne font que passer, on échange quelques mots au moment du paiement et ça s'arrête là. Je le ressens bien.


Un cadeau ! Tu as un truc précis en tête ?.

Sa moue en dit long... Il me fait rire.

Dis moi tout, je vais te trouver le cadeau parfait. Tu vas faire fureur. Homme ? Femme? Maman? petite amie ?

Avec un regard et un sourire comme le sien il doit forcement avoir une copine, ou plusieurs. Ouai plusieurs, c'est le style. Charmeur et coureur. J'ai le nez maintenant à force de mettre fait avoir.

Un homme ? je vais pour lui dire que je ne suis pas gay et me ravise. Mais pourquoi elle a pensé à ça en premier ? Elle croit que je suis homo ? Merde !

« Ma mère. »

Alors ça craint. Le mec il va acheter un cadeau pour sa mère. Ok, je vais vraiment passer pour un gay.

« Je cherche quelque chose d'original et qui puisse la faire sourire.»

Quand j'y pense ça lui ferait plaisir. Je lui offre jamais rien et je lui en fais baver, j'avoue. Encore aujourd'hui, ma vie la désespère. La dernière fois qu'on s'est vus, elle m'a craché que j'étais le digne fils de mon enfoiré de géniteur. Honnêtement, ça m'a blessé plus que n'importe quelle insulte. Parce que je déteste ce mec. Et parce que c'est vrai. Je suis un connard.

Je ne sais pas pourquoi mais je suis assez contente d'entendre que c'est pour sa mère. C'est vraiment adorable de sa part. La plus part des mecs n'offre jamais rien à leur mère ou un truc banal trouvé sur le chemin avant d'aller la voir. Lui il recherche vraiment, il se bouge. Finalement je l'ai jugé peut-être trop vite, il semble plus sentimental que je ne le pensais.

Quoique que tu lui offres, ta maman sourira parce que ça viendra de toi.

Je me dirige vers l'un des grimoires reçus ce matin, je connais l'artiste et je sais que tout ce qu'elle fait est fait avec amour. Mon oeil est attiré par l'un d'entres eux, comme s'il m’appelait. Sa couverture est en satin parme, contournait avec du ruban qui rappelle l'époque médiévale, orné en son centre d'un magnifique améthyste. C'est une pièce unique. Je lui apporte.

Ecris lui un message sur la première page, et tu en feras la maman la plus heureuse car ce qui l'importe c'est ce que tu as là.

Je pose ma main sur son coeur.

L'espace d'un instant j'ai oublié le genre de filles face à moi. Elle ne se moque pas, au contraire, je vois bien que ça lui plait que je fasse un cadeau à ma mère. Un bon point pour moi. Rapidement, trop rapidement à mon goût, elle trouve une idée. Elle m'apporte un beau livre. Je n'y connais rien mais faut bien le reconnaître. On dirait un truc d'époque. Putain ça se trouve je me fais avoir comme un con et elle me sort l'objet le plus cher de sa boutique. Mode je fais raquer les touristes.

« Je ne sais pas... »

Elle pose soudain sa main sur mon cœur. Ce qu'elle m'a sorti juste avant me parait bien bisounours, à des années lumières de mon monde, mais ça ne me fait pas rire. Si elle savait ce que j'ai dans le cœur. D'accord, je suis pas le pire des mecs mais la noirceur est bien présente. Et je sais pas pourquoi mais face à elle, ça me met mal à l'aise. Je baisse les yeux sur sa main puis vers son visage. J'ai chaud. Faut que j’enchaîne !

« C'est quoi comme livre ? »

Son coeur est rapide, ça me fait bizarre de sentir la poitrine d'un casi étranger taper délicatement sous mes doigts. Je pense le temps de quelques secondes à Ellie, elle fait ça toute la journée, est-ce qu'elle ressent la même chose ? Je souris à la pensée qu'elle par contre ne le ferais jamais dans cette situation.

C'est un recueil de poème. Toutes les pages sont faites à l'ancienne, à la main. Chacune est unique. les dernières feuilles sont vierges, elle peut noter ce qu'elle veut ou les planter, les feuilles contiennent des graines, de jolies fleurs naîtront. C'est 100% organique. Même l'encre.

J'essaye de sonder un peu son visage, il trouve ça peut-être naze.

Si tu n'aimes pas, je peux te trouver autre chose

Elle retire doucement sa main et c'est là que je réalise la chaleur qui s'en dégageait ; ça me fait frissonner légèrement. Je l'écoute, réellement intéressé. Machinalement je rebois de la tisane.

« Non, je vais le prendre. C'est super original, ça va la surprendre. »

Je ne savais même pas que ça existait. Elle me sourit, je kiffe et j'ouvre la bouche pour lui proposer quelque chose mais la porte s'ouvre et deux clientes visiblement excitées d'être là débarquent. Va falloir que je revienne. Tant pis. Je suis Crystal à la caisse, lui rend son mug et règle le recueil.

« A bientôt, Crystal. »

Oh oui, à bientôt ma belle ! Je repars tout cool.